Y aura-t-il du miel à Rosh Hashana ?
Le lait et le miel ce n’est pas que dans la Bible, c’est aussi des marchés contrôlés exclusivement par l’Etat, au protectionnisme absolu qui sont prêts à tout pour que les gros producteurs se sucrent.
Au programme
Un produit décrypté : le miel 🍯
Portefeuille : le budget 2025 📈
Smart conso : un bon réflexe 🛒
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Le Commissariat au Miel
Si vous apprenez qu’il y a en Israël pour un produit donné un Commissariat, comme le Commissariat au Lait ou le Commissariat au Oeufs, ce n’est pas parce que le gouvernement attache une importance particulière à ce produit, désire le mettre en valeur et le considère comme un trésor national. Non, ça veut dire que ce produit est contrôlé entièrement par l'État pour le compte d'un cartel ou d'un monopole déguisé en syndicat professionnel. Je vous présente donc le Commissariat au Miel, dirigé par Ofi Reich.
Les membres du Commissariat au Miel sont des représentants des ministères de l'Agriculture, de l'Économie, des Finances, mais aussi et surtout des producteurs. C’est l'unique organisme professionnel des apiculteurs. dont l’activité est conditionnée à l'obtention d'une licence pour installer des ruches, moyennant des frais élevés, ce qui constitue une importante barrière à l'entrée. Son rôle est en principe pas seulement de promouvoir la filière mais aussi de faire face aux défis importants posés par le changement climatique, dont le phénomène de la disparition des abeilles, qui met en péril l'existence même de la filière. En effet, en Israël comme ailleurs dans le monde, un tiers des abeilles a disparu, ce qui cause de grandes inquiétudes quant à la destruction des cultures alimentaires et aux répercussions sur les industries cosmétiques, de la santé et du textile. L'avenir de l'humanité dépend en partie de la survie des abeilles, responsables de la pollinisation de 80 % des cultures agricoles mondiales. D’ailleurs, le Commissariat indique clairement via son directeur que sa priorité n’est pas la production de miel, mais la pollinisation. C’est une première indication de la façon très cavalière dont il traite les consommateurs de miel que nous sommes.
Les Israéliens consomment environ 6.200 tonnes de miel par an, soit environ 750 g par an et par personne, dont un tiers pendant les fêtes de Tishri, soit moitié moins que la moyenne européenne qui se situe à 1.5 kg. Le marché pèse environ 180 millions de sh par an. En Israël, 510 apiculteurs exploitent 120.000 ruches, dont 80.000 sont situées dans des zones agricoles et servent à la pollinisation.
Le Commissariat au Miel encourage l'achat direct auprès des apiculteurs. « Il est particulièrement important, en ces temps où l'ensemble des secteurs agricoles luttent pour leur avenir et pour la sécurité alimentaire, d'acheter des produits agricoles frais et sains ainsi que du miel de qualité directement auprès des producteurs, afin de soutenir les apiculteurs qui, grâce à la pollinisation, assurent la sécurité alimentaire du pays, aussi bien en période de crise qu'en temps normal », souligne Reich. Emouvant, non ? Seulement si on ne va pas plus loin que ces propos sucrés.
Les Israéliens consomment 6.000 tonnes de miel par an. Pas parce qu’ils aiment plus ou moins le miel ou achètent en fonction de leurs envies, non. Mais parce que c’est la consommation qui a été fixée par le Commissariat au Miel. C’est lui qui décide. Pas vous. Pourquoi ? Pour réduire au minimum les importations, qu’il contrôle et autorise de façon exclusive. Mais comme pour l’huile d’olive, on a beau bomber la poitrine et louer les producteurs locaux qui devraient fournir tous les besoins, la population israélienne augmente inexorablement de 2% par an, les surfaces agricoles vont en se rétrécissant, donc pour la sécurité et l’indépendance alimentaire, ce n’est pas évident. Tous les ans, on entend de vagues déclarations selon lesquelles la demande sera largement assurée par la production locale, mais est-ce vrai ? En fait, il suffit de chercher un peu dans la presse économique pour découvrir que la production locale est de 4.400 tonnes seulement (pour une consommation rappelons-le de 6.000 tonnes). Donc, il est bien évident qu’il va falloir importer, et ça, le ministère déteste. Mais avez-vous déjà vu un pot de miel d’une marque étrangère dans les rayons israéliens ? Non, jamais, en tout cas pas en grande surface, et je vais expliquer pourquoi.
Avant d’exposer la méthode assez scandaleuse qui a été mise au point par le ministère pour contrôler les importations et les planquer, passons en revue les producteurs. Je n’étonnerai personne en posant d’emblée que le marché est dominé par un monopole, la marque Yad Mordechai, à l’origine une société située dans le kibboutz du même nom dans le Nord d’Israël, rachetée en 2003 par Strauss et régnant sur près de 60% du marché de la production du miel en Israël. On trouve ensuite la coopérative des ruches de Emek Hefer avec 25% de la production locale, le reste étant produit par de petites marques premium. Au niveau des ventes globales, Yad Mordechai est toujours responsable de 52.4 % des ventes en volume, devant les marques distributeur (19.7%) et le reste par d’autres marques.
Le mystère des 2.000 tonnes
Repartons vers notre histoire de production et on comprendra cette énigme : comment Yad Mordechai qui produit 55% du miel local représente 53% des ventes totales alors même que la production est inférieure à la consommation de près de 35%.
Le ministère de l’Agriculture est informé tout au long de l’année de la production de miel par les apiculteurs (tous membres du Commissariat, rappelons-le). Conformément à ces infos, le ministère libère peu à peu des quotas d’importation pour combler l’écart entre consommation et production, en les répartissant de manière arbitraire, selon une procédure interne, sans commission ni mise en concurrence. Ce qui est le plus fantastique, c’est que ces quotas (environ 2.000 tonnes par an don) sont attribués au pro rata des parts de marché des différents producteurs. Autrement dit, ces quotas sont en réalité un avantage économique direct. Ils permettent aux gros producteurs, principalement Yad Mordechai, qui détient plus de la moitié du marché, de recevoir les plus gros quotas d’importation, au lieu de faire rentrer des concurrents. Plus fort encore : le Commissariat leur permet de mélanger le miel importé avec du miel israélien et de le vendre comme un produit local. Avec le petit chapeau bleu.
Cette martingale bien connue des médias israéliens permet aux producteurs de conserver leur part du gâteau en faisant semblant de vendre une production locale alors qu’ils importent des miels à bas prix d’Europe ou d’Amérique du Sud et les revendent au prix israélien. Sympa. Comment ça marche ? Il existe deux types de droits de douane sur l'importation de miel : le premier, 12 sh par kg, pour l'importation en conditionnement de moins de 50 kg, et le deuxième pour le miel destiné à l'industrie — en conditionnements de plus de 50 kg. Chaque année, le ministère accorde une exonération totatale des droits de douane pour les quotas industriels sur l'importation, pour les fameuses 2.000 tonnes manquantes— ce qui permet à Yad Mordechai et à d'autres producteurs de bénéficier d'une exonération totale de taxes sur ce miel importé, qu'ils mélangent ensuite avec leur miel, puis vendent tranquillement sous leur propre marque. L’Etat a lui-même créé cette situation honteuse, où du miel importé sans droits de douane est utilisé par les gros producteurs locaux et revendu à des prix élevés grâce à la méthode du mélange.
Opération Tishri
Pour faire semblant de lutter contre le coût de la vie, le ministère de l’Agriculture, poussé par le ministère de l’Economie, publie depuis 2017 chaque année avant les fêtes de Tishri un appel d’offre spécial, (séparé de celui des 2000 tonnes) pour l’importation de 500 tonnes de miel exempté de taxes douanières, dans le cadre duquel les importateurs qui s’engagent à vendre au prix le plus bas à la consommation sont sélectionnés. Cela, contre l’avis du Commissariat au miel qui n’aime pas qu’on propose des prix plus bas et qui chaque année affirme obstinément que la production “locale” suffit. En réalité il s'est avéré que l'importation n'a pas nui aux ventes de la production “locale”, mais a plutôt augmenté la consommation de miel des Israéliens. Autrement dit, davantage de consommateurs qui évitaient de consommer du miel en raison de son prix élevé ont pu se permettre d'en acheter. Et en effet, pendant les fêtes de Tishri de l'année dernière, on pouvait voir dans les rayons, notamment chez Osher Ad, Victory et Rami Levy, gagnants de l’appel d’offre, des pots de miel importés d'Europe à des prix de 10 à 15 sh/kg, beaucoup moins chers que le miel “local” (une fois de plus une assertion fausse) vendu à environ 50 sh/ kg. Le Commissariat au Miel n'a pas apprécié les écarts de prix et affirmé que certains des miels importés étaient frelatés, un grand classique que l’on retrouve aussi quand il s’agit d’acheter de l’huile d’olive importée et une hutzpa incroyable quand on connaît l’histoire du mélange.
Cette année, le ministre de l’Agriculture Avi Dichter, à qui le Commissariat a sûrement promis d’offrir son poids en miel, a tenté de s’opposer à l’appel d’offre Tishri, qui vient un tout petit peu entamer le monopole de Strauss pendant quelques semaines. Nir Barkat et Betsalel Smotrich, censés lutter contre le coût de la vie, se sont alliés contre lui et Smotrich a du menacer de signer un décret annulant tous les droits de douane sur les pots de miel non industriels pendant trois mois pour que Dichter cède. On a eu droit aux habituels grognements et mise en garde contre la qualité du miel importé dans le cadre de cette opération. Tordant.
Pour résumer : le miel israélien des grandes marques n’est pas pur et il est vendu à un prix exagéré. Les miels des “quotas de Tishri” sont des miels ouvertement importés souvent vendus sous marque distributeur. On comprend mieux pourquoi le Commissariat au Miel nous conseille hypocritement d’acheter directement auprès des petits producteurs. Le mieux est donc en effet de les privilégier, en faisant un tour sur leur site internet ou en achetant dans des magasins bio. Shana tova !
35 milliards 📈
C’est le montant qu’il va falloir trouver dans le budget 2025 et couper pour maintenir le déficit budgétaire dans le cadre qui a été fixé, 4% et éviter la catastrophe et une nouvelle dégradation de la note de crédit d’Israël.
C’est la guerre et tout le monde comprend que ça coûte cher. Entre 200 et 250 milliards de shekels prévus pour le cumul 2023-2024. Des salaires pour les réservistes, des munitions, des nouvelles armes, le maintien de l’avantage défensif et offensif de Tsahal, des avions, des tanks, des drones, la liste est longue. Et les marchés le comprennent. Ce qu’ils ne comprennent pas c’est un gouverbement qui faut comme si tout allait bien et qui a pris zéro mesure pour couvrir ces dépenses, entièrement financées par la dette. Sauf que ça finit par coûter cher.
Donc le ministre des Finances s’est décidé à convoquer une conférence de presse et à annoncer les coupes qui seront (théoriquement) opérées pour trouver ces 35 milliards. Gel de toutes les allocations, gel des salaires de la fonction publique et des embauches, gel du salaire minimum, gel des échelons de calcul de l’impôt sur le revenu. Ca gèle beaucoup chez le ministre. par contre aucune fermeture de ministère superflu et pas touche aux budgets de coalition (16 milliards sur le budget 2023, un montant historique). Les plus fragiles vont devoir encaisser.
🛒Pepper, c’est fini !
Après avoir investi près d’un milliard de shekels dans le lancement et le fonctionnement de sa banque digitale, Leumi a décidé de réintégrer Pepper comme simple marque dans sa banque traditionnelle. La raison ? Les petits clients ne sont pas assez rentables et consomment trop de temps.
Rappel : l’année dernière les banques traditionnelles ont engrangé plus de 16 milliards de shekels de profits supplémentaires grâce à l’augmentation du taux directeur par la Banque d’Israël. Pour payer plus de mashkenta, les ménages sont bien intéressants, pour plus de technologie et de concurrence, passez votre chemin.
🎙️Pour en savoir plus
Plus de détails et d’information sur le budget 2025, le risque de crise systémique et les options du gouvernement au micro de Daniel Haik sur Radio Qualita.
Doit-on faire de même pour les fruits et légumes ? J'ai entendu parler de groupes d'agriculteurs qui vendent des corbeilles chaque semaine
Yad Mordechaï, se situe au sud d' Ashekelon à la frontière avec Aza.