Y aura-t-il de l'huile d'olive cet été ?
Cette crise frappe les oliviers comme les consommateurs et interroge sur la capacité d'Israël à veiller correctement sur sa souveraineté alimentaire.
Au programme
Au supermarché : un produit décrypté 🫒
Portefeuille : un chiffre à la une 📈
Smart conso : un bon réflexe
Pour en savoir un peu plus
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Kadima👇
Y aura-t-il de l'huile d'olive cet été ?
Depuis plusieurs mois, Israël fait face à une pénurie d’huile d’olive et à une augmentation météorique des prix. Il y a une véritable saga derrière cette situation. Résumé.
Le climat : la pénurie actuelle est globale. 👇
Trois pays produisent 85% de l’huile d’olive mondiale : la Grèce, l’Espagne et l’Italie. Mais deux années de sécheresse en Espagne et en Italie et les violents incendies qui ont ravagé la Grèce ces dernières années ont mis le secteur à genoux, avec plus d’un tiers de baisse de la production, d’où une forte augmentation de prix et une pénurie généralisée. Israël produit environ la moitié de sa consommation d'huile d’olive, si bien qu’une politique intelligente d’augmentation de la productivité, et une meilleure exploitation de ressources auraient dû rendre le pays autosuffisant, voire même exportateur, comme il a su le faire avec les dattes et les avocats. Sauf que le timing était désastreux, car il a suivi une séquence de politique agricole très radicale.
Opération huile d’olive 🫒 : l’olivier est une des sept espèces bibliques, l’huile d’olive un élément important de la culture du pays et de son histoire. A l’instar de nombreuses cultures locales, l’huile d’olive est surprotégée. Les importations sont ultra-taxées, 12% plus 4,48 shekels par litre. Ça veut dire par exemple, sur une bouteille importée au prix de gros de 6€ soit 24 shekels, on applique une taxe de 7,36 sh, soit un taux effectif de 30%. Le tout répercuté sur le prix de vente rend l'importation moins viable et moins attractive, et l’huile d’olive beaucoup plus chère que dans les autres pays méditerranéens.
Flashback : En 2021, l’offre est élevée et les prix mondiaux sont bas. Le gouvernement dit “du changement” est au pouvoir, Avigdor Liberman aux Finances. Liberman, c’est un peu l’Israël des villes, d’origine moldave, il a gardé un très mauvais souvenir de l’économie administrée à la soviétique et son électorat est très sensible au coût de la vie.
Epaulé par Oded Forer, le premier ministre de l’Agriculture de l’histoire d’Israël non issu du lobby agricole, il décide de frapper un grand coup : il abaisse drastiquement la taxe douanière sur l’huile d’olive et permet l’entrée d’huile d’olive à bas prix. Il promet un soutien direct aux producteurs locaux si ceux-ci se modernisent et augmentent leur productivité.
Effet boomerang🪃 : les agriculteurs traînent des pieds, ils mobilisent leur puissant lobby à la Knesset et réussissent à faire échouer la réforme de l’agriculture. Le marché est inondé d’huile d’olive à bas prix et le ministère de l’Agriculture (en guerre contre son propre ministre) refuse d’appliquer la politique prévue et crie au malheur. Les ventes d’huile d’olive israélienne, mal en peine face à la concurrence agressive, baissent. Et les agriculteurs, habitués au protectionnisme et à des prix élevés garantis, au lieu de se battre pour leur terroir et leurs arbres, ne regardent que leurs profits et décident massivement d'abandonner l'olivier, puisque ça ne paie pas : plus de 400.000 arbres arrachés en Israël. Certains bradent leurs oliviers à 100 shekels sans trouver preneur.
La suite, pas la peine de l’expliquer : les incendies, le climat, la pénurie, et la production locale en chute libre. Au lieu d’être autosuffisant, Israël est encore plus frappé que les autres puisqu’entre temps, évidemment, on a restauré les taxes douanières. Histoire d’un ratage annoncé.
Shrinkflation : pour terminer, un petit passage par un de mes suspects favoris : Strauss, propriétaire de la marque leader en Israel, Yad Mordechai, 20% du marché. Cela fait déjà longtemps que Yad Mordechai qui arbore fièrement le “kova” (le chapeau des sabras) bleu-blanc 🇮🇱 sur ses bouteilles, ne vend plus de l’huile 100% locale mais les mélange avec des huiles européennes. Avec la pénurie, il n’est presque plus possible d’acheter chez les trois gros pays producteurs, donc Strauss s’est tourné vers la Turquie. Sauf que celle-ci refuse de vendre les bidons anonymes avec lesquels Yad Mordechai remplit ses bouteilles estampillées bleu-blanc, mais seulement des bouteilles bien turques. Du coup, Strauss a dû baisser fortement sa production (et son usine qui se trouve dans le Nord a été fermée pendant un mois à la suite de la guerre). Pour rester présente dans les rayons et ne surtout pas toucher à sa marge, Strauss a opté pour la bonne vieille shrinkflation.
Out : les bouteilles de 750 ml, IN : les bouteilles de 500 ml (voire même de 280 ml conditionnées dans des flacons pression de miel en plastique, moins chères); le prix à l’unité n’a pas beaucoup changé, environ 40 shekels, mais la quantité a baissé de 33%. Avec cette méthode, Strauss a augmenté de facto les prix à 75 shekels/l, soit une augmentation de près de 50% par rapport à ses ordres de prix de 45-50 sh/l d’il y a quelques mois.
Conclusion : la récolte 2024 devrait être meilleure, en attendant et tant qu’à faire, encourageons les petits producteurs locaux dont près de 30% vendent directement aux consommateurs. C’esr plus cher mais c’est un investissement dans l’avenir agricole d’Israël.
82 milliards
C’est le supplément de budget que recevra le ministère de la Défense dans la décennie à venir, comme le rappelle le rapport de la Banque d’Israël.
Le rapport annuel de la Banque d’Israël est un des documents économiques les plus importants du pays. Il dresse chaque année un tableau exhaustif de l’économie, analyse la gestion du gouvernement et pose les défis des années à venir. Les économistes de la banque y remplissent leur rôle officiel de conseils économiques du gouvernement. 2023 est selon eux une année exceptionnelle lors de laquelle se sont produits deux événements centraux : la réforme judiciaire accompagnée d’une mouvement de protestation massif et profond, et la guerre qui a éclaté le 7 octobre.
La Banque met en garde d’une augmentation incontrôlée du budget de la Défense, semblable à ce qui s’est produit en Israël après la guerre de Kippour, qu’on a surnommée “la décennie perdue” tant le budget militaire a étouffé la croissance. Elle enjoint le gouvernement de ne pas rogner plus encore sur les dépenses civiles, déjà très basses en Israël, et de trouver des sources budgétaires, et égratigne les budgets de coalition. De nombreux défis attendent le pays, mais son exceptionnelle résilience permet de rester optimiste.
Seven Eleven c’est fini ! Les huit magasins de l’enseigne vont fermer, sauf si un investisseur se présente.
Le géant Electra, qui possède aussi les magasins Carrefour en Israël, arrête l’hémorragie : 23 millions de pertes sur la première année. La chaîne n’a trouvé ni son modèle ni son marché. Il est vrai qu’aux Etats-Unis Seven Eleven, ce sont essentiellement des minimarkets présents dans les zones périurbaines ou dans les stations-service, modèle difficilement réplicable en Israël. La bonne nouvelle, c’est qu’Electra annonce vouloir se concentrer sur Carrefour, beaucoup plus rentable. Cocorico 🇫🇷 …
🎙 Actu Eco
La high-tech israélienne continue à “performer” en temps de guerre avec 4 milliards de dollars de levées de fonds sur les 6 derniers mois selon le rapport de Startup Nation Central. Et l’agence Fitch maintient la note d’Israël à A+.
Les secrets d’une économie qui ne se laisse pas abattre ? Solidarité, foi en l’avenir, innovation. Décryptage sur Radio Qualita au micro de Daniel Haik.
bravo, clair et limpide comme l'huile d'olive !! Je me reconnais en chaque mot de ce bel article.