Roladin, un empire industriel
La plus grande chaîne de patisseries du pays se positionne comme une enseigne de luxe, mais vend des produits industriels fabriqués en usine. Le symbole de toute une industrie de fake qualité.
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Une entreprise décryptée : Roladin 🥐
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Roladin : une success story israélienne : très cher, très populaire
Comme toutes les grandes enseignes alimentaires israéliennes, Roladin s'appuie sur une histoire familiale touchante pour construire son image. Deux frères, Avi et Kobi Hakak, dont la mère passionnée de pâtisserie les aurait inspirés. Ils auraient commencé modestement, vendant des pâtisseries en porte à porte, avant qu'un jour, l'odeur de beignets de Hanouka qu’ils avaient décidé de faire frire '“dans une petite marmite” n'attire tout leur quartier. Ce récit, repris dans un publi-rédactionnel de novembre 2024 dans The Marker, illustre parfaitement les valeurs traditionnelles israéliennes : famille, tradition, travail acharné et réussite méritée.
La réalité des 106 magasins actuels raconte pourtant une autre histoire. On y découvre une machine commerciale parfaitement huilée, avec un marketing sophistiqué (4 millions de shekels de pub annuels), un design soigné et des prix rivalisant avec les pâtisseries les plus chères d'Europe – sans pour autant offrir une qualité comparable. Qu’importe si la qualité ne correspond pas vraiment à ce que l'on voit à l’étranger, où d'une part les clients ont le palais beaucoup plus développé, et où d'autre part la notion d'artisanat correspond à un véritable monde caractérisé par l’utilisation d’ingrédients de qualité et une culture du travail bien exécuté. Roladin s'apparente davantage à Paul qu'à Pierre Hermé, dont elle copie pourtant éhontément les concepts pour en proposer des versions galvaudées.
L’expérience en magasin n’est pas fameuse : depuis le Corona, comme d'autres chaînes israéliennes, Roladin a supprimé le service, sans baisser le prix de produits que l'on va soi-même chercher et emporter à table. De la même façon et beaucoup plus révoltant, pour économiser sur les employés et la vaisselle, Roladin a de plus en plus recours à des gobelets et assiettes jetables.
On sait peu de choses sur Roladin car c'est une entreprise privée qui ne publie pas ses comptes. On ne connaît donc ni son chiffre d'affaires ni sa marge. J’ai trouvé en cherchant beaucoup un CA annoncé de $5.3 millions en 2019, en extrapolant sur la croissance du nombre d’enseignes on peut évaluer celui-ci aujourd’hui à environ 30 millions de shekels. Ce chiffre ne doit pas tromper, il correspond uniquement aux revenus que Roladin tire de ses ventes à ses magasins. Car comme c’est la norme en Israël, et afin de soutenir cette croissance soutenue sans en porter le risque, Roladin fonctionne avec un système de franchise.
Le franchisé : le premier pigeon de Roladin
Le franchisé commence par verser à l’enseigne (ou à un autre franchisé qui cède sa place) une somme unique non remboursable (une sorte de pas-de-porte) entre 100.000 et 300.000 shekels. Tous les travaux pour l’ouverture du point de vente sont évidemment à sa charge, avec un architecte imposé par l’enseigne - montant moyen : 2 millions de shekels. Roladin prend aussi une commission sur les honoraires. Il doit participer au financement d’un fonds de publicité mutualisé : souvent entre 2 % et 4 % du CA, pour financer les campagnes nationales. Notre franchisé et son personnel sont formés à la vente et à la présentation (la fameuse école de patisserie) pour que tous les magasins se ressemblent et aient un même standard fixé par la maison mère. Il va de soi qu’il est tenu de lui acheter les produits proposés à la vente et de les vendre au prix fixé par l’enseigne. Sur les gâteaux, pâtisseries, café, pains et autres produits, Roladin fait entre 25 et 50% de marge, et récupère en plus des “royalties”, soit une redevance sur le CA, généralement 4 à 5%. Roladin prélève aussi probablement sur le dos du franchisé des commissions tout au long de la chaîne de valeur : les emballages, serviettes et gobelets de la marque sont vendus aux franchisés à un prix qui laisse aux propriétaires de la chaîne une "commission d'intermédiaire" de 5% à 10% en moyenne. Tout ce prestige revient donc très cher au franchisé et rapporte beaucoup à Roladin. Une fois les frais centraux déduits (siège social, marketing national, développement de la marque), la marge nette des franchiseurs du secteur oscille entre 30 % et 50 % du CA. Il y a fort à parier que vu les prix pratiqués, Roladin se situe dans le haut de cette fourchette. 50% de marge nette, ça fait rêver.
Des produits standardisés jusqu’à la dernière miette
Et niveau produits ? Il s’agit de viennoiseries, sandwichs et patisseries qui ont pour ambition d’avoir l’air français. Il y a un certain standard de qualité : viennoiseries au beurre, vrai chocolat (vu les prix c’est la moindre des choses). Roladin a été l'une des premières chaînes à nous imposer des pâtisseries juives traditionnelles pendant de longs mois avant la fête concernée, dénaturant le plaisir de les consommer à des occasions spéciales… Ainsi, les beignets font leur apparition tout de suite après Souccot; plus d’un mois avant Pourim, même si les oreilles d'Haman sont une pâtisserie totalement inintéressante, elles sont en vente.
Voici un extrait savoureux du publi-rédactionnel déjà cité, de novembre 2024, juste avant Hanouka, on imagine que c’est de loin la période la plus rentable de l’année :
“L'un des projets les plus ambitieux et significatifs du groupe Roladin est sa collection de beignets, dont la PDG affirme que le travail commence environ un an à l'avance. “Chaque année, l'équipe de pâtissiers et de chefs crée des saveurs surprenantes qui parviennent à émouvoir les clients et même nous-mêmes", dit-elle. Parmi les saveurs qui seront à l'honneur pour Hanoucca cette année : popcorn caramel salé, praliné pistache avec cerise amarena acidulée, malabi rose, gold cookie cream et Sweet sour.
La directrice explique que les nouvelles saveurs sont lancées après des formations rigoureuses à l'école de beignets de Roladin, où les pâtissiers de toutes les succursales de la chaîne participent et suivent des formations en présentiel et en ligne, ainsi que des tests pratiques - dans le but de créer le beignet parfait, au plus haut niveau.”
On en a les larmes aux yeux. Mais cette "collection" – terme emprunté au monde de la mode – constitue probablement sa plus grande supercherie : il s'agit invariablement du même beignet gras, peu qualitatif, recouvert d'un glaçage coloré, de quelques garnitures pour faire du volume et fourré d'une petite quantité de crème patissière aromatisée.
En fait, tous les produits de Roladin sont fabriqués industriellement dans des usines situées à Kadima Tzoran, près de Netanya. Ces installations produisent des entremets surgelés (simplement décongelés en boutique), des viennoiseries cuites en point de vente, des biscuits, et des pains – une nouvelle usine de 1.500 m² a été inaugurée en 2021, ainsi qu’un entrepôt logistique de 2.500 m². Malgré leurs noms français et leurs présentations luxueuses, ces produits sont loin de l'artisanat authentique que Roladin prétend incarner.
Cas d’école : les oreilles d’Haman
Pour preuve, la composition des oreilles d’Haman proposées cette année pour Pourim en coffret à la vente en commande ( la loi oblige alors à en donner la liste).
Les oreilles d’Haman noix et caramel contiennent 25 ingrédients (!) 12% de noix et 4% de caramel seulement, mais surtout 7 additifs alimentaires dont deux au moins sont considérés comme problématiques par les autorités sanitaires européennes (E471 et E472). Certes, elles sont au beurre et non à la margarine, mais c’est en toutes choses un produit ultra-transformé et industriel. La composition précise d’ailleurs qu’ils se conservent 6 mois au congélateur. Le prix ? 45 sh pour 9 mini-oreilles
Un rapport qualité/quantité/ prix hallucinant
Le prix des produits vendu chez Roladin est plus que problématique : il était déjà élevé et a augmenté en janvier 2025 de façon vertigineuse, alors que les produits sont frappés de shrinkflation. Les mini-croissants ou bourekas sont tout petits et vendus 4.50 sh l’unité. Les babkas individuelles (la taille d’une brioche normale en France) 24 sh. Les sandwichs vraiment pas gros entre 30 et 40 sh, un prix délirant. Sans parler des cakes à 50 sh. Des prix de luxe pour des produits industriels. Roladin domine le marché et ça se sent dans le porte-monnaie, comme toujours en Israël. Le système de franchise permet à l’enseigne de multiplier les points de vente sans investir, de saturer le paysage et le marché, et d’augmenter les prix sans trop de risque. L’un des symboles les plus évidents de cette domination est le point de vente à emporter qui se trouve juste à la sortie de la gare dans le kanyon Azrieli, directement sur le chemin que les soldats empruntent en sortant du train pour aller vers la passerelle qui mène à la Kyria. La queue s'étend sur plusieurs mètres tous les matins et des soldats et soldates qui gagnent 1.200 shekel par mois dépensent chaque jour 25 shekel ou plus pour un café et/ou une viennoiserie.
Finalement, Roladin est l'exact symbole de ce que les grandes marques locales vendent aux Israéliens aujourd'hui : des produits ultra-chers qui font semblant d'être de bonne qualité, avec zéro service, une expérience client qui se résume au fait de rentrer dans un magasin qui a coûté des millions de shekel, sans tout ce qui va avec dans le reste du monde. Le produit nu. Des gâteaux à 25 shekel que l'on mange avec une cuillère en plastique, et un café au même prix dans un verre en carton. Du fast luxe trash.
Compte d’épargne enfants du Bituach Leumi : tout ne se vaut pas
Le programme Hisakhon lekhol Yeled, institué par le ministre des Finances Moshe Kahlon en 2015, est une merveille israélienne : chaque mois, l’État met 57 shekels de côté pour l’épargne de vos enfants, et vous pouvez ajouter la même somme. À 18 ans, ça peut représenter jusqu’à 43.000 shekels, que le jeune peut utiliser pour son départ dans la vie. A condition que tout roule.
Car attention, une partie de cette épargne peut fondre sans qu’on s’en rende compte à cause de frais de gestion cachés. En plus des frais pris en charge par l’État jusqu’aux 21 ans de l’enfant, certaines caisses prélèvent des frais supplémentaires pour gérer les investissements, entre 0,17 % et 0,51 % par an. Ca peut coûter quelques centaines de shekels, ou atteindre plus de 2.000 shekels selon la caisse choisie.
Bon à savoir : Altshuler Shaham affiche les frais les plus élevés (jusqu’à 0,51 %), alors que Mor, Migdal et Harel restent autour de 0,16-0,17 %. Autant dire qu’à la fin, la somme que votre enfant récupérera à 18 ans peut varier, et pas qu’un peu. La meilleure élève en termes de rendements est Infinity.
Bonne nouvelle : après avoir découvert à quel point les rendements obtenus par les banques étaient faibles, la Knesset a agi : depuis janvier 2024, ceux qui avaient opté pour une épargne en banque peuvent transférer l’argent vers une caisse d’investissement (koupat gemel), souvent plus avantageuse.
Jetez un œil au rapport annuel du compte de votre enfant : réduire les frais ou changer de crémerie peut faire une vraie différence sur son futur pécule.
Wolt freiné par l’Autorité de la concurrence ?
Suite à mon enquête sur Wolt du mois dernier, encore des nouvelles de l’ogre en habit bleu, plutôt positives cette fois ! Wolt, le géant de la livraison, est dans le collimateur de l'Autorité de la concurrence. En gros, Wolt a besoin d'une autorisation spéciale pour pouvoir livrer à la fois les produits des supermarchés (Shufersal, Yohananof, etc…) et les produits de son propre supermarché en ligne, "Wolt Market". L'Autorité de la concurrence a peur que Wolt n’abuse de sa position dominante et étouffe la concurrence, surtout depuis qu’il a lancé son abonnement "Wolt Plus" qui pourrait inciter les gens à ne plus utiliser les autres services de livraison. En résumé, l'Autorité de la concurrence veut s'assurer que Wolt ne profite pas de sa position pour écraser les autres acteurs du marché et faire grimper les prix. Espérons que l’annonce de l’ouverture d’une vérification par l’Autorité ne fera pas pschitt comme beaucoup d’autres cas dans le passé.
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L’application Kaspenu que j’ai développée avec une équipe fantastique de volontaires est en beta test : ça veut dire qu’un petit nombre de personnes peuvent l’utiliser avant sa mise à disposition dans les stores, donner leur avis et nous aider à l’améliorer.
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Toujours instructif on apprend toujours comment éviter de se faire plumer