Pourquoi la arnona continue à grimper ? Anatomie d'un impôt injuste.
Israël se caractérise par un niveau de centralisation du pouvoir qui étouffe les municipalités et fabrique de l'inégalité au kilomètre. La arnona en est le meilleur exemple.
Au programme
Un produit décrypté : la arnona 🏢
Portefeuille : l’arnaque des fruits et légumes emballés 🍓
Smart conso : un bon réflexe 🛒
Pour en savoir un peu plus 🎙️
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Kadima👇
Arnona 2025 : la douloureuse qui fait trembler les Israéliens
L'avis d'imposition que vous venez sûrement de recevoir pour votre Arnona 2025 a de quoi donner le vertige. Cette hausse record ne pouvait pas plus mal tomber, dans une période où tout augmente en flèche : +40% sur les loyers depuis 2021, +30% sur les mashkenta, sans oublier l'eau, l'électricité, les transports qui ont pris plus de 45% depuis un an, et évidemment les courses au quotidien. Pour comprendre pourquoi votre facture s'envole, plongée au coeur d'un système fiscal particulièrement injuste.
La Arnona, c’est quoi ?
La Arnona, c'est cette taxe unique qui combine ce que d'autres pays séparent en taxe foncière et taxe d'habitation. Son calcul prend en compte la surface au mètre carré, l'usage - logement individuel, surface commerciale, industrie - et surtout la localisation. À Tel Aviv ou Jerusalem on devra payer 100 shekels ou plus au mètre carré pour un simple appartement, quand les habitants d'Arad s'en sortent avec 40 shekels. Cette différence illustre parfaitement les disparités criantes entre centre et périphérie.
L'État joue au monopole avec les municipalités
Le ministère de l'Intérieur, fief historique du parti Shas, et son ministre actuel Moshe Arbel règne en maître absolu sur la Arnona. Les municipalités et collectivités locales ? De simples exécutants qui doivent mendier la moindre augmentation de leurs tarifs. Avec 60% de leurs recettes qui dépendent de cet impôt (soit plus de 30 milliards de shekels par an), les villes sont pieds et poings liés face aux décisions d’un pouvoir central qui est l’un des plus concentrés au monde alors que les maires sont quasiment sans aucunes compétences et indépendance.
Plus encore, la structure de l’assiette de la arnona est particulièrement déséquilibrée entre entreprises et particuliers, et nourrit un cercle vicieux qui pérennise les disparités. Les chiffres sont édifiants : une entreprise paie entre 2 et 4 fois plus qu'un particulier au mètre carré. À Tel Aviv, les sociétés high-tech déboursent jusqu'à 400 shekels par mètre carré. Résultat ? Une course effrénée des municipalités pour attirer les entreprises, entraînant la construction massive de tours de bureaux au détriment des logements alors que les prix de l’immobilier des particuliers flambent à la location comme à l’achat, et la multiplication des zones industrielles et centres commerciaux géants qui grignotent inexorablement les sutfaces agricoles et les espaces ouverts. Tous ont un seul objectif cultivé de façon obsessionnelle par les maires et dirigeants de commmunautés de communes ou autre scollectivités : “faire” de la arnona d’entreprise pour remplir leurs caisses. Tel Aviv empoche ainsi 6 milliards de shekels annuels, pendant que Beit She'an, ville symbole de la périphérie sociale et géographiquen, doit se contenter de 100 millions. Un écart vertigineux qui creuse encore plus les inégalités territoriales.
Les habitants, boulets budgétaires
Car voilà le paradoxe d’Israël : plus elle se peuple, plus elle,s'appauvrit. Un enfant scolarisé coûte en moyenne 12.000 shekels par an à sa commune, une famille de 5 personnes consomme environ 50.000 shekels de services municipaux, mais ne rapporte que 8.000 à 15.000 shekels de Arnona après réductions sociales. La logique financière est implacable et conduit un certain nombre de villes à éviter la construction massive de logements qui nécessiteront des infrastructures massives. Même si une partie de ces équipements sont financés par l’Etat, c’est un one-shot, alors que les coûts dérivés à long terme, entretien, salaires etc… retombent à 100% sur les collectivités. Les maires ne sont pas dupes : à Kfar Saba ou Hod Hasharon, on préfère clairement les bureaux aux berceaux. Les villes dortoirs pour populations ultra-orthodoxes, les plus grosses consommatrices de services publics, sont donc construites en grande partie aux frais de l’Etat (pratique quand le parti Yahadut HaTorah a désormais la main sur le ministère du logement) et loin des bassins d’emploi, dans des zones où les terrains sont très peu chers et où les municipalités sont financées sur quelques années par des “accords-toîts” (globaux).
2025 : L'année de tous les records
L'augmentation automatique de 5,29% de la Arnona, indexée sur l’inflation et sur les salaires moyens (boostés par l’accord salarial signé il y a un an par la Histadrut pour l’ensemble du secteur public) aurait déjà suffi à faire grincer des dents. Mais ce n'était que le début. Plus personne ne s’en souvient, mais début 2023, le PM Netanyahu et le tout frais ministre des Finances Betsalel Smotrich avaient annoncé un gel de l’Arnona - pour lutter contre le coût de la vie (On ne rit pas). Évidemment, aucune compensation n’était prévue pour les municipalités, censées trouver elles-même où économiser cette somme. Quinse mois de guerre et de dépenses exceptionnelles plus tard, un tiers des collectivités ont demandé au minstère de l’Intérieur de leur approuver une hausse exceptionnelle du tarif de l’Arnona. L’augmentation cumulée de la taxe est parvenu à 15% à Ashdod, 12% à Beer Sheva à 12%, et le record absolu revient aux nouveaux quartiers de Tel Aviv, Jérusalem et Rehovot des augmentations qui peuvent atteindre les 50%. Comme si la situation n'était pas assez compliquée, la guerre contre le Hamas a fait plonger les recettes des villes du Sud de 40% depuis octobre 2023. Le gouvernement a bien promis 4 milliards de shekels d'aide, mais seuls 700 millions ont été versés. Devinez qui va payer la différence ? Oui, vous avez deviné.
Avec un déficit qui frôle les 7% du PIB et 75 milliards de shekels supplémentaires engloutis dans la Défense en 2024, le gouvernement a choisi la facilité : faire payer les citoyens via une pléthore de prélèvements, dont ceux des collectivités locales. La grande réforme de la Arnona, promise depuis 2018 ? Aux oubliettes. Pendant ce temps, les inégalités se creusent : pour chaque shekel de service public à Dimona, un habitant de Ramat Hasharon en reçoit quatre. Et même si les entreprises continuent d'être la poule aux œufs d'or du système, c'est le portefeuille et la qualité de vie des simples citoyens qui sont le plus impactés.
Emballez, ce n’est pas pesé! Arnaque au rayon frais
On est en janvier, mois des fraises en Israël (bizarre mais vrai). Les toutes petites barquettes arrivées dans les rayon des supermarchés snot affichées à des prix variables. Un seul point commun : le prix est affiché à l’unité, et le poids de cette unité n’est pas toujours précisé. Quant au prix au kilo, inutile même d’en rêver. Un article très fouillé de la journaliste Shoshana Chen paru cette semaine dans le Yediot Ahronot dévoile ce système opaque qui permet aux supermarchés de masquer des augmentations vertigineuses sur les fruits et légumes conditionnés.
Le grand flou des étiquettes
Les supermarchés ont trouvé la super martingale : le poids des barquettes a fondu comme neige au soleil - shrinkflation classique - passant de 500g l'an dernier à parfois moins de 250g aujourd'hui. Le constat est accablant : sur 28 emballages testés dans 5 grandes chaînes dont Shufersal Deal, Rami Levy et Super Yuda, seuls 7 affichaient un poids. À 16,90 shekels la b de 240g chez Rami Levy contre 25 shekels les 500g chez Super Yuda, l'écart de prix au kilo atteint 40%.
Les autres produits ne sont pas en reste. Les oignons verts en format "pratique" ? 53 shekels le kilo (6,90 shekels les 130g chez Rami Levy). La romaine explose les compteurs à 72,5 shekels le kilo (12,90 shekels pour 178g). Idem pour les champignons de la marque monopole Marina qui ont vu leur conditionnement rétrécir et leur prix augmenter en parallèle (entre 45,80 et 66,80 shekels le kilo selon les enseignes, soit entre 12 et 17 euros le kilo).
Le Far West de la réglementation
Qui est responsable ? Les supermarchés se retranchent derrière une prétendue absence d'obligation légale, quand l'Autorité de protection des Consommateurs affirme le contraire, mais ne contrôle rien. Résultat : les barquettes rétrécissent et les consommateurs sont bien en peine de s’orienter. La récolte de fraises est excellente cette année, donc le prix devrait baisser ? Pas en Israël voyons, où il y a TOUJOURS une raison pour augmenter les prix : cette année, c’est - je cite - “leur fragilité et les manipulations en magasin”. On nous prend vraiment pour des truffes.
La solution ? Privilégier les formats 500g pour les fraises, systématiquement 30 à 40% moins chers au kilo. Peser chaque achat si possible, comparer les prix au kilo quand ils sont affichés. Et surtout, exiger la transparence que les chaînes nous doivent. Car au final, c'est toujours nous qui payons la négligence dans l’application de la loi - et les barquettes riquiqui.
Quand les influenceurs en ont marre des prix 🛒
Les réseaux sociaux sont inondés ces dernières semaines de vidéos d’influenceurs (surtout d’influenceuses à dire vrai) qui appellent au boycott, à la révolte, et qui se plaignent de la hausse des prix. En tant que personne qui crie dans le désert depuis des années en alertant sur ce sujet, il semble que ce momentum est le bienvenu. Attention toutefois à ne pas se contenter de crier ou d’appeler au boycott de sociétés géantes comme Strauss, il faut aussi donner des solutions de bon sens comme réduire le volume des achats, comparer les prix avec une calculatrice en main, utiliser les applications de comparaison de prix, et encourager le fait-maison.
Les effets waouw sur ces sujets créent un enthousiame bien compréhensible et justifié, mais un peu comme l’effet Hadar Mukhtam qui s’est révélée être une coquille vide qui ne faisait que surfer sur un sujet perçu comme populaire, il faut se mobiliser tout en visant à changer de comportement pour aller vers une consommation plus raisonnée, plus durable, et modifier en profondeur le rapport de force entre les consommateurs et les marques. Quoi qu’il en soit, ces manifestations font du bien !
🎙️Pour en savoir plus
Comment la marque Yachin s’est-elle emparée du marché des conserves et a-t-elle plus que doublé les prix en moins de 5 ans ? Ma vidéo sur le sujet.
Oui vraiment les grands magasins nous prennent pour des vaches à lait !
Merci pour tout ce travail d'information.
Une suggestion dans un autre domaine que je n'ai pas encore eu le cran d'accomplir :
déballer tous ces emballages plastiques à l'intérieur du magasin juste après le passage à la caisse.
Israël se noie dans les emballages, vous sortez et vous ne faites dix pas que vous voyez direct
des détritus plastiques.
Que les grands magasins changent leur comportement ou s'occupent des détritus que nous devons encore payer par la taxe sur l'enlèvement des ordures !
Merci pour ces explications très claires qui nous explique ce qui nous étouffe, a quand une association de consommateurs assez forte pour ne plus être pris pour des dindons