Les Israéliens doivent-ils devenir végétariens ?
Le prix de la viande de boeuf, star des barbecues de la fête de l'Indépendance a augmenté de 50% ces derniers mois. On attend toujours une vraie justification, sauf qu'il n'y en a peut-être pas.
Au programme
Au supermarché, un produit décrypté : le boeuf
Portefeuille : des chiffres à la une 📈
Smart conso : un bon réflexe 🛒
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Kadima👇
La viande de boeuf : un marché totalement opaque
🥩Les Israéliens aiment beaucoup le boeuf, vraiment beaucoup. Dans un pays sans pampa et sans prairie,les Israéliens se débrouillent pour être les quatrièmes plus gros consommateurs de viande, juste derrière l’Argentine, les États-Unis et le Brésil. Israël importe donc beaucoup de bœuf, sous toutes les formes : sur pied, frais, surgelé, qu’importe du moment qu’on peut allumer le barbecue. À l’approche de Yom Haatsmaout, les prix ont augmenté en flèche.
Marché et consommation : Les ventes de viande pèsent environ un milliard de shekels par an. La consommation par habitant : 21 kg/ an. Selon des données de 2023 du ministère de l’Agriculture, la consommation de viande rouge a augmenté de plus de 50% depuis 2015.
D'où vient toute cette viande ?
39% provient de bêtes abattues en Israël ( 2/3 importées vivantes, le reste de vaches dites de réforme = anciennes vaches laitières)
46% de viande importée surgelée
15% de viande importée réfrigérée
Importées vivantes, c’est quoi ? De jeunes veaux âgés de 8 mois à un an (broutards) sont transportés vivants par la mer, puis engraissés et abattus en Israël; ils portent de façon un peu extrapolée le label de viande locale.
Combien ? 230.000 têtes de bétail en 2023, dont un tiers provenant du Portugal, 25% d’Australie, 25% de Roumanie, et le reste de Hongrie, de Lituanie et d’Irlande.
Sauf que … l’exportation de bétail vivant est devenue ces dernières années très controversée. À de longs trajets, il faut ajouter la surpopulation, le manque d’accès à la nourriture ou à l’eau, l’exposition aux maladies, la pollution... Les sociétés de transport n’hésitent pas à jeter par-dessus bord les animaux malades ou en mauvais état, et les militants des droits des animaux diffusent régulièrement des vidéos très dures exposant mauvais traitements et conditions de transport épouvantables. Cela a amené de nombreux pays exportateurs, comme la Nouvelle Zélande ou le Brésil, à interdire cette pratique controversée, d’autres comme l’Allemagne et le Portugal s’apprêtent à leur emboîter le pas.
Pendant ce temps, Israël a suivi le chemin exactement inverse. Entre 2012 et 2022, le nombre d’animaux importés vivants a été multiplié par cinq, jusqu’à parvenir à près d'un million en 2022 et cela encore pour une histoire de protectionnisme
🐮J’explique : jusqu’en 2022, de fortes taxes douanières étaient appliquées sur la viande importée, alors que les importations de bétail vivant en étaient exemptées. Le gouvernement préférait appliquer à ces centaines de milliers d’animaux importés le label “made in Israël” pour protéger les éleveurs/ engraisseurs locaux et l’industrie de l’abattage, et mettre des obstacles à l’importation de viande déjà abattue, alors qu’elle consomme beaucoup moins de ressources déjà rares en Israël (eau, sols, fourrage…).
En 2022, face à la perspective inéluctable d’une forte réduction du nombre de pays autorisant les exportations de bêtes vivantes, le gouvernement s’est décidé à annuler les taxes sur la viande d’importation et à assouplir la réglementation sanitaire. Aussitôt, le marché de la viande importée a pris un rapide essor et malgré les habituels cris d’orfraies des “éleveurs” (qui se contentent en fait d’engraisser pendant six mois des veaux arrivés par bateau de l’étranger) elle occupe aujourd’hui 60% du marché environ.
Qui sont les acteurs du marché ?
Les gros importateurs de viande sont Neto et Tnuva, et les leaders du secteur de l’engraissement/ abattage sont Baladi et… Tnuva. Le secteur est donc segmenté mais hyper concentré, avec un géant omniprésent : nos amis de Tnuva.
Et les prix, alors ? L’ouverture du marché à la viande surgelée et réfrigérée est censée faire baisser les prix et créer de la concurrence. Dans ce cas-là, pourquoi la viande importée est-elle aussi chère que la viande locale? Tout simplement parce que les gros acteurs du marché savent parfaitement que personne ne comprend rien et que la plupart des consommateurs ne savent pas d’où vient la viande. C’est quasiment impossible vu la politique d’étiquetage obscure. C’est cher ? Comme pour les fruits et légumes, les acteurs s’accusent mutuellement de faire augmenter les prix, les éleveurs accusent les abattoirs qui accusent les supermarchés qui accusent les importateurs qui accusent l’Etat, pas forcément dans cet ordre. Et qui paie ? Nous.
Quant à la dernière augmentation qui a fait la une des journaux la semaine dernière, c’est encore plus obscur. A l’approche de Yom Haatsmaout et du traditionnel barbecue, le journal Yediot Ahronot a procédé à une vérification des prix de la viande et du poulet, et constaté une augmentation spectaculaire, de l’ordre de 50%, du prix de la viande fraîche sur les derniers mois. Et ce n’est pas tout : de nouvelles augmentations de prix ont déjà été annoncées.
🔎J’ai lu tous les articles que j’ai pu trouver sur le sujet, et j’ai constaté le même phénomène fascinant que pour tout autre produit qui augmente vite et fort : une liste de causes plus ou moins claires, mélange de facteurs de type force majeure (le temps, la guerre ici ou ailleurs), d’augmentations de matières premières (ici le fourrage) et de soi-disant règles du marché (forte demande, offre insuffisante). Aucune ne m’a convaincue et certainement pas pour une augmentation de prix de 50% et plus.
J’ai vérifié le cours de la viande de bœuf dans le monde et le prix des bêtes vivantes : en augmentation ces deux dernières années avec une stabilisation voire une baisse récemment. Le fourrage, et en particulier le maïs cité dans un des articles est justement en baisse. Il y a enfin l’histoire de l’entrecôte, citée par plusieurs sources officieuses : suite à la guerre, on a assisté à une chute importante de la demande de ce morceau premium, parmi les plus rentables pour les importateurs et les producteurs : restaurants fermés, mariages annulés, pas le cœur à consommer. Ce manque à gagner et l’énorme stock d'entrecôtes non vendues aurait dû amener les acteurs du marché à brader la viande. Pas du tout : ils ont décidé d’augmenter les prix de tous les autres morceaux de bœuf pour rattraper le manque à gagner. C’est stupéfiant mais exact.
Ce qui ressort de cette saga, c’est que la transparence manque cruellement dans ce marché, que les importateurs comme le gouvernement maximisent leur intérêt, et que les consommateurs doivent toujours payer. Un étiquetage clair serait déjà le minimum ainsi qu’une meilleure information. Espérons que cela viendra.
10%, 15%, 20% 📈
Les augmentations de prix actuelles sont-elles justifiées ?
Les marques qui annoncent en cascade des augmentations de prix ces derniers mois, de Strauss à Tnuva en passant par Diplomat, Coca Cola ou autres Willifood, affirment systématiquement qu’elles n’ont pas le choix et citent pêle-mêle le transport maritime, le taux de change, le coût du travail, les matières premières.
Deux économistes en chef, celui de la Bank Hapoalim, Modi Shafrir, ainsi que celui de Meitav, Alex Zabezhinsky, ont passé au crible ces arguments pour en évaluer la fiabilité et ont été interviewés par le quotidien Globes. Leur réponse est sans appel : pas justifiées. Alex Zabezhinsky le dit clairement : “la demande est forte donc les marques se sentent parfaitement à l’aise d’augmenter les prix, même si cela n’a pas de justification économique”. Les deux économistes rappellent que le shekel reste une monnaie forte, que la plupart des matières premières ont fortement chuté, que le prix du transport maritime vient de baisser pour la treizième semaine consécutive… Bref en Israël tout est bon pour augmenter les prix.
Carrefour : pas de quoi traverser la rue
Carrefour Israël, un an déjà, quel bilan ?
Inaugurations de magasins en grande pompe en présence du Premier ministre et du ministre de l'Economie, annonces retentissantes de la Révolution française, c'était il y a un an et semble appartenir à un monde disparu. Depuis, Carrefour fait partie du paysage, et le bilan est très mitigé.
Les ➕ : l'entrée d'un nouvel acteur a permis l'introduction de produits nouveaux, a montré la possibilité de susciter un changement dans le paysage de la grande distribution, et a réveillé un réel enthousiasme chez les Israéliens.
Les ➖ : une gamme de produits qui reste extrêmement réduite, la motivation de Carrefour à surmonter les obstacles administratifs pour importer des produits frais a l'air d'avoir disparu, et surtout, en catimini, et tout au long de l'année, l'enseigne n'a cessé d'augmenter ses prix, jugeant probablement les consommateurs trop faciles à berner ou, au choix, le groupe Electra empêtré dans des problèmes immobiliers face à l'actionnaire Bitan, a peut-être décidé de faire rentrer un maximum de cash.
Quoi qu'il en soit, la promesse n'a pas vraiment été tenue, et le tropisme israélien a pris le pas sur l'ambition française de changer la vie des consommateurs. Un sentiment de gâchis et de désillusion. Dommage.
🎙️Actu éco
Peut-on lutter contre le financement du Hamas par l’Iran ? L’argent est bien le nerf de la guerre et une meilleure connaissance des circuits et des moyens de financer le terrorisme ainsi qu’une vraie mobilisation de moyens sont essentiels. Tour d’horizon au micro de Daniel Haik sur Qualita.
Clair,.net et précis. Même pour ceux qui n'entendent rien à l'économie. De plus quand j'achèterai de la viande, je saurai où se situe le morceau choisi grâce à ce bœuf très design....