Ingrédients : farine, eau, lobbying et profits garantis
Le prix de l’unique ingrédient de la matsa est supervisé par l'Etat et fait l’objet d’un intense lobbying. Pourquoi ? Car l'offre et la demande ne valent rien face à un public captif à 100%.
Au programme
Au supermarché, un produit décrypté : la matza
Portefeuille : un chiffre à la une 📈
Smart conso : un bon réflexe 🧈
Pour en savoir un peu plus
Si ce n’est pas déjà fait, vous pouvez aussi :
Kadima👇
La farine, ingrédient clé, produit de base, et guerre des monopoles
Qu’est ce qui est si important dans cette farine pour que l’Etat juge bon d’en fixer le prix ?
Bienvenue dans les coulisses de la fabrication de la matza ⬇️
La farine pour matsa : c’est une farine spéciale qui a été mise à l’abri dans un entrepôt dédié, de toute contamination et de tout contact avec l’eau depuis qu’elle a été moulue (si elle est ordinaire) ou depuis que le blé a été récolté (si elle est dite shmura, ce qui veut dire gardée). Elle sert uniquement à fabriquer la matsa consommée pendant les huit jours de Pessah.
La formule de Suarès - La farine cachère pour matsa est l’un des produits dont le prix est supervisé par le gouvernement, via la commission des prix commune aux ministères de l’Economie et des Finances et sa célèbre formule inventée dans les années 50 et restée quasi identique depuis, qui intègre les coûts de fabrication et une marge standard pour le fabricant.
Le moulin de Yaffo - Jusqu’en 2016, un seul moulin, monopole officiel, produisait la totalité de la farine casher pour Pessah. En 2017, la société Em Hahita (“la mère du blé”), fabricante de matsot et gâteaux et principale cliente de Yaffo, lui achetant 60% de sa production, a commencé à produire sa propre farine dans son usine de Jérusalem et a fini par entraîner la fermeture de l’usine de Yaffo en 2018.
La mère du blé - En 2019, Em Hahita fraîchement installé comme nouveau monopole, et qui a apparemment plus le sens du commerce que Yaffo, a présenté à la commission des prix une demande de revalorisation du prix de la farine, plus facile à remettre à jour et a obtenu gain de cause. La moitié du prix est désormais basée sur le cours du blé en Europe et l’autre sur les coûts de production, en particulier le coût du travail. La brèche était ouverte.
Dès 2020, la commission, dans laquelle siègent aussi des représentants des fabricants, qui sont juge et partie, a recommandé d'augmenter le prix de 5%. Sauf que toute augmentation était alors soumise à l’accord du ministre des Finances (ce n’est plus le cas aujourd’hui), qui refusa la hausse. En 2022, suite à la guerre en Ukraine et à la montée en flèche des cours du blé, les fabricants ont présenté un recours devant la Cour Suprême pour obliger la commission à se réunir. Dont acte, et voilà, 37% d’augmentation du prix de la farine en 2023 à près de 3.000 shekels la tonne, répercutée en quasi-totalité sur les prix à la consommation.
Ça, c’est pour la farine, mais qui fabrique la matsa ?
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que le marché de la matsa est contrôlé par trois familles.
la famille Koka : propriétaire de Em Hahita, le monopole de la production de farine, elle détient aussi les marques Yerushalayim, Halperin et Rishon Letsion. 45% du marché.
la famille Ludmir, 45% du marché également, propriétaire des marques Israël, Carmel et Yehuda
et la famille Wolf récupère les miettes des deux géantes avec 10% du marché et la marque Aviv.
On est donc en présence une fois de plus d’un cartel, comme on peut le constater face à la merveilleuse unité des packagings et des prix, fixés à l’avance avec les supermarchés même si la loi l’interdit formellement.
Mais le cours du blé a baissé, non ?
Oui, c’est vrai, et donc on devrait remettre à jour le prix de la farine. Or cette année, on a assisté à un tour de passe-passe assez fascinant. Il y a à peine un mois, sur la demande du petit producteur Aviv, évidemment le plus impacté par le prix très élevé - et non actualisé - auquel il est obligé d’acheter la farine ( à son concurrent en plus !), la commission a publié un projet d’ordonnance demandant de baisser le prix de la farine de 14.5%. Cette baisse devait entrer en application début avril. Sauf qu’en mars, à un mois de Pessah, la farine pour matsa a été produite et vendue depuis longtemps et les matsot déjà fabriquées attendent juste leur mise en rayon (ce que savent parfaitement les ministres). Du coup quel dommage, pas de baisse de prix cette année, mais vraiment, ce n’est pas faute d’avoir essayé, nous expliquent Barkat et Smotrich.
👛Combien paierons-nous la matsa cette année ? Le prix d’un paquet de 2.5 kg en grandes surfaces varie entre 29.90 et 31.90 pour TOUTES les marques (entre 11.96 et 12.76 sh/ kg), soit un spread de 6.6%. Un beau et vrai cartel où tout le monde vend exactement au même prix. Les ventes de matsa en Israël sont estimées à près de 100 millions de shekels par an, pas mal pour une industrie qui réalise la totalité de ses ventes sur deux mois de l’année.
Quant à la matsa shmura, fabriquée selon des règles plus strictes à base de farine produite avec des grains de blé mis à l’abri de toute humidité dès la moisson, son prix est beaucoup plus élevé : 80 à150 sh/kg. C’est une industrie florissante même si elle fonctionne quelques semaines par an, et avec des travailleurs qui sont souvent des étudiants de yeshiva non ou très peu payés (et pas toujours déclarés) étant donné que c’est une mitsva de fabriquer de la matsa.
2.7% 📈
C’est le taux d’inflation constaté sur les 12 derniers mois, supérieur aux prévisions du gouvernement. Ce chiffre apparemment pas si élevé cache en fait des augmentations considérables de produits de base de la consommation des familles, comme les œufs et les produits laitiers sous supervision (pour le bien que ça nous fait), les fruits et les légumes, la farine etc… Les grandes entreprises alimentaires font une véritable course aux annonces et il ne se passe pas un mois sans que l’une ou l’autre n’annonce ‘qu’elle n’a pas le choix’ et va augmenter la totalité de ses produits.
Cela alors que les consommateurs israéliens sont harassés par les angoisses et les problèmes liés à la guerre.
Tout ça sous l’œil d’un gouvernement qui ne trouve mieux à faire que de proposer des listes noires et des gommettes au lieu de remplir son rôle de régulateur. Lamentable.
🧈 Le beurre et l'argent du beurre
Quel a été le véritable impact de la sortie du beurre de la liste des produits supervisés par l’Etat et de son ouverture à la libre concurrence, il y a trois ans ?
On attendait des baisses de prix, qui pour l’instant ne se sont pas produites. Le niveau de concentration du marché n’a fait qu’augmenter et Tnuva détient aujourd’hui 70% du marché, monopole indétrônable.
Les importateurs ont pris la présence de Tnuva comme un fait accompli et, au lieu de tenter de casser ce monopole, se sont concentrés sur l’importation de marques premium très chères afin d’essayer de faire des marges plus élevées.
En face, Tnuva, libérée de la supervision, a augmenté ses prix de plus de 15% tout en restant moins chère que les beurres importés, ce qui n’a fait que renforcer son monopole.
Du coup le beurre importé est très cher, et le beurre local plus cher.
Conclusion : il ne suffit pas d’ouvrir le marché pour casser un monopole, il faut réglementer (qui ne veut pas dire superviser) et veiller à limiter les abus de position dominante. Mais en Israël, c’est tout ou rien.
🎙️Actu éco
Qui est le moins cher ? La traditionnelle comparaison entre enseignes sur la base d’un panier de 350 produits conserve sa première place à Rami Levi, talonné par Osher Ad. Entourloupes, fausses promos, tout est bon pour nous amener à dépenser plus. Et les quantités d’achat conseillées par les journalistes sont tout simplement hallucinantes. Décryptage sur Kan en français au micro de Yaël Bornstein.
Yaelle tes newsletter me donne envie de révolte ... Rien que de les lire j'en ai la nausée..... Mais bravo elles sont documentées, précises et claires.
Comme toujours tout est clairement expliqué ce qui m énervé le plus, c est cette crédulité de Am Israël, a tout accepté, cette résilience d'avant les abus économiques dirigés par quelques familles, ces monopoles dont le gouvernement est associé ...et ça perdure dans le temps! On vit au far ouest de l'escroquerie et de l'abus...sur fond ce guerre qu' il faut bien payer aussi ...
Avec le sourire, vous prendrez encore un verre? un petit 5 % de plus sur une taxe, avec un 4% d'inflation et pourquoi un zeste de
2% sur la TVA, ...Lehaim...Am Israël Hay ! ça se paye!!!